Approche historique et culturelle du Võ Bình-Định

Le terme Võ Bình-Định désigne les pratiques martiales qui se développèrent dans cette région centrale du Vietnam. L’origine du Võ Bình-Định est ancienne mais c’est notamment sous le règne de l’empereur Nguyễn Huệ (1771 – 1802) que cet art acquis toutes ses lettres de noblesse.



Nguyễn Huệ est un personnage célèbre de l’histoire du Việt-Nam. Avec ses deux frères, il fait parti de ce que l’on nomme « Les Trois Braves de Tây Sơn », qui mirent fin à la guerre intestine que se menait depuis de longues années deux familles seigneuriales du Việt-Nam.



Sous l’impulsion de Nguyễn Huệ qui mena ce que l’on connait sous le nom de « révolte des Tây Sơn », le Võ Bình-Định allait servir de méthode principale de formation au combat aux troupes militaires qu’il dirigeait.



L’avènement au pouvoir de Nguyễn Huệ marqua donc le début d’une période tout particulièrement faste pour le développement du Võ Bình-Định qui allait ainsi devenir art martial pour la défense de la nation : Trấn Bắc Bình Nam.



Le pratiquant de Võ Bình-Định se devait de connaître un programme précis de Quyền ou Thảo Bộ, c'est-à-dire des techniques de combat utilisant poings et pieds nus.



S’il fallait citer les Thảo Bộ les plus célèbres, on ne pourrait manquer de faire l’éloge de la boxe du Phénix (Phượng Hoàng), des Quatre Mers (Tứ Hải), du Moine Méditant (Thiền Sư), de la Coupe de Jade (Ngọc Trản), de l’Enfant Génie (Thần Ðồng), du Vieux Prunier (Lão Mai)…



Si l’on était bon dans le domaine du Quyền, alors on excellait souvent dans l’utilisation de la perche. C’est pourquoi le Quyền constituait la discipline fondamentale et primordiale. Les soldats Tây Sơn s’en servaient lors des assauts en combats rapprochés ou au corps à corps.



Les guerriers de l’armée Tây Sơn devaient aussi maîtriser des armes typiques du Võ Bình-Định telles que le Roi (technique de combat utilisant une perche effilée sur un bout), le Côn (bâton de combat), les Song Sĩ qui sont deux bâtons en bois dur qu’on portait serrés le long de l’avant-bras, dépassant légèrement aux deux extrémités. En pique ou coup de coude, les deux pointes du Song Sĩ peuvent ainsi s’enfoncer dans le corps de l’adversaire.



Ils étudiaient aussi le Ðao (le sabre), le Kiếm (l’épée), le Siêu, une arme qui ressemble au sabre, mais avec un manche long, le Thương (la lance), le Xà mâu (la lance serpentine), le Đinh Ba (le trident), le Bừa Cào (le râteau de guerre), les Song Phu (les double haches), etc.



La tactique militaire de Tây Sơn reposait sur le principe de prise de contrôle sur l’adversaire en partant d’une longue portée pour se rapprocher peu à peu. A distance, on utilisait des canons placés à dos d’éléphants. Lorsque la cible se trouvait à environ 100 m, on passait à des fusils à longue portée. Plus près, étaient alors employés arc et arbalètes, puis les fusées incendiaires. En dernier venait l’assaut en corps à corps, avec l’utilisation de toutes les techniques d’arts martiaux pour emporter définitivement l’avantage suivant un principe de « un contre plusieurs ».



En effet, les troupes Tây Sơn ne comptaient pas sur le nombre mais plutôt sur l’habileté et le courage individuel. Les unités d’infanterie étaient donc de petite taille, se déplaçaient très rapidement, et étaient parfaitement adaptées aux tactiques d’attaques éclairs. Frapper vite et fort, avoir des positions mouvantes, et attaquer soudainement l’adversaire par sa faille. Toute cible conquise était ensuite renforcée et contrôlée par les unités d’éléphants de combats, aussi utilisées en tant qu’unités d’artillerie puisqu’ils transportaient également les canons. Voilà en deux mots les principes de la tactique militaire utilisée par les trois frères Tây Sơn, fortement influencée par leur formation originelle de pratiquant d’art martiaux.



Après les années 1800 et l’arrivée au pouvoir du nouveau régime féodal de l’empereur Gia Long, une longue période d’oppression allait commencer à l’encontre des maîtres du Võ Bình-Định.



Ceux-ci enseignèrent donc dans la clandestinité, réservant la transmission de leur art aux seuls membres de leur famille.



Ce n’est que vers les années 1960, que commença à réapparaitre au grand jour cet art martial.



En 1972 une association de maîtres se créa, mais le Võ Bình-Định reste toujours de nos jours une pratique confidentielle.



Au Vietnam, de rares écoles transmettent actuellement tout ou partie de cet art.



Approche technique et esprit du Võ Bình-Định



Quand on aborde l’étude du Võ Bình-Định on est souvent étonné de découvrir un art qui sait allier autant et aussi bien l’Interne que l’Externe, le souple et le fluide avec le dur et l’explosif.



Le concept Cương Quyền / Nhu Quyền (boxe dure / boxe souple) est un concept global dans le Võ Bình-Định.



En effet, on ne sépare pas ces deux notions car elles sont complémentaires et apparaissent clairement dans les mouvements.



Le maître Trương-Thanh-Đăng, fondateur de l’école d’arts martiaux Bình-Định SA-LONG-CƯƠNG disait : « dans l’art martial de Bình-Định les coups sont donnés comme si on frappait avec un marteau au bout d’un fouet ».


D’un point de vue technique, l’enseignant de Võ Bình-Định a pour charge d’insister auprès de ses élèves sur le travail des postures. Celles-ci doivent être fermes, solides, mais pas figées.


Ensuite, l’un des points clés du Võ Bình-Định est le travail dit des Six Liaisons : liaisons entre l’impact du poing et le positionnement du pied / liaison entre les mouvements des coudes et des genoux / liaison entre le bassin et les épaules.

 
Le Võ Bình-Định respecte trois dictons des arts martiaux traditionnels du Viêtnam, à savoir :



• Supériorité du combat rapproché.
• Favoriser l’esquive.
• Utiliser la souplesse contre la force.



Ce qui surprend lorsqu’on observe le travail d’un pratiquant de Võ Bình-Định, c’est qu’on a l’impression de voir une boxe qui se situe à la croisée des chemins entre du Ba Gua Zhang et du Tang Lang Quan (pour les aspects fluides et percutants) et entre du Wing Chun et du Hung Gar (pour l’alternance entre boxe longue et boxe courte).


Vous ne verrez pas un pratiquant de Võ Bình-Định effectué des acrobaties, des ciseaux volants ou des techniques spectaculaires. Les mouvements sont sobres, peu démonstratifs, toujours axés vers une recherche d’efficacité.



Combattant souvent à un contre plusieurs, les techniques de Võ Bình-Định sont expéditives, permettant ainsi au guerrier de se défaire rapidement de son ennemi afin d’aller prêter main forte à ses frères d’armes.


Le travail et l’esprit qu’impose le Võ Bình-Định se situe à l’opposé des démonstrations qui offrent le spectacle malheureux d’une surenchère de violence, à grand renfort de cris, de sauts périlleux et de fin déplorable où l’on achève son ennemi au sol.
 
Le pratiquant de Võ Bình-Định peaufine son art dans un esprit de rectitude.



Il fait sien l’adage « Trinh tĩnh, tiết hạnh » : garder un esprit pur et calme, cultiver la vertu.
 
Démontrer le Võ Bình-Định revient à démontrer des techniques efficaces et sophistiquées avec un esprit de retenu et de réserve, où l’on cherche autant que faire se peut à épargner, à imposer la paix sans utiliser la violence. L’idée fondamentale du Võ Bình-Định est qu’avec un minimum d’effort on obtient un maximum d’effet.


Cela impose aux étudiants et aux maîtres de ce courant de pratique beaucoup de retenu, un esprit altruiste et humaniste, une réelle humilité.